QUELLE DÉCENTRALISATION POUR MADAGASCAR ?
SEHATRA
FANARAHA-MASO NY FIAINAM-PIRENENA SeFaFi Observatoire
de la Vie Publique Rue
Rajakoba Augustin Ankadivato Antananarivo Tél. :
22 663 99 Fax : 22 663 59 Email : sefafi@netclub.mg QUELLE DÉCENTRALISATION POUR MADAGASCAR ?
Comme dans beaucoup de pays, notamment ceux qui ont hérité de la
tradition jacobine et centralisatrice de la France, la décentralisation
reste, à Madagascar, un problème non résolu. Il
n’est sans doute pas inutile de rappeler ici la signification du mot
« décentralisation », que le Larousse
2008 définit comme un « système
d’organisation des structures administratives de l’Etat qui accorde
des pouvoirs de décision et de gestion à des organes autonomes régionaux
ou locaux (collectivités locales, établissements publics) ».
Il s’agit donc, de la part de l’administration de l’Etat (qui dépend,
pour l’essentiel, des ministères établis dans la capitale), de donner
des pouvoirs ou plus de pouvoirs aux administrations qui sont établies
dans les régions et les communes. La
volonté de décentralisation reflète un double objectif de démocratie
et d’efficacité. Le pouvoir appartenant au peuple, il est normal que
les décisions administratives concernant les problèmes régionaux et
locaux puissent être prises sur les lieux et par les gens concernés, et
non par des fonctionnaires lointains qui connaissent peu ou mal les problèmes
de la base. Par ailleurs, la proximité géographique donne aux
administrateurs décentralisés une meilleure connaissance de la
situation, et donc une plus grande efficacité. Un passé d’incohérence et
d’inefficacité
Depuis l’indépendance, chaque régime a tenté, en vain,
d’imposer sa vision de la décentralisation. Mais les préjugés idéologiques
et la volonté de rester maître du jeu local ont mené toutes ces
entreprises à l’échec. De ces tentatives, le SeFaFi a déjà pris
acte, qu’il s’agisse de la création des régions, de la suppression
des provinces ou du problème récurrent du Fokonolona(1).
Aujourd’hui, les nouvelles structures de décentralisation sont sur le
point d’être installées. Il est urgent de réfléchir sur l’ensemble
du système, et de proposer des remèdes à son insuffisance démocratique
et à son inefficacité notoire.
La décentralisation n’a
guère eu de place sous une 1ère République (1960-1972) façonnée
à l’image de l’ancienne puissance coloniale. La « République démocratique »
qui lui a succédé portait pour sa part l’ambitieux projet de « collectivités
décentralisées » (Fokontany, Firaisampokontany,
Fivondronam-pokontany et
Faritany), censées fonctionner sur le principe du « centralisme
démocratique ». On sait ce qu’il en advint. Il faudra attendre la
3ème République pour
que la loi introduise, en 1994, une décentralisation à trois niveaux (région,
département et commune), qui ne fut jamais appliquée… En
1998, une nouvelle révision constitutionnelle maintient un système de décentralisation
à trois niveaux, avec la province autonome, la région et la commune. La
région devient alors un démembrement de la province autonome, et non
plus de l’Etat. Et la loi du 17 juin 2004 a voulu organiser les régions,
mais sur des bases constitutionnelles discutables. Dernier avatar, la révision
constitutionnelle du 4 avril 2007, tout en supprimant les provinces, fait
des régions et des communes les seules collectivités territoriales décentralisées
(Art. 138) ; et l’Article 134 précise que, « dotées de la
personnalité morale et de l’autonomie administrative et financière,
(elles) constituent le cadre institutionnel de la participation effective
des citoyens à la gestion des affaires publiques ».
Au bout d’un demi-siècle
d’indépendance, cette structure territoriale à trois niveaux (Etat, Région,
Commune) finira-t-elle par s’imposer, mettant un terme à ces longues
années d’errements et d’incertitudes ? On peut l’espérer, si
toutefois elle entraîne un fonctionnement administratif à la fois plus
stable, plus efficace et plus démocratique. Ce sont en effet les
questions qui se posent aujourd’hui avec acuité, au point de menacer
l’ensemble de l’édifice. Les conditions d’une décentralisation
sincère
Une institution ne se limite pas à ses structures ; elle
est d’autant plus viable et donc durable, qu’elle sait s’attacher
les hommes qui la peuplent et qui la dirigent. En matière de décentralisation,
cet attachement est lié au contenu et à l’étendue de « la
participation effective des citoyens »,
pour reprendre les termes de l’article 134 de la Constitution.
Concernant les régions, un premier obstacle à cette participation est le refus du politique dans la définition imposée par la même
Constitution (Art. 141) : « les régions ont une vocation
essentiellement économique et sociale ». Etrange limitation, qui
exclut le politique, dont la raison d’être est précisément de gérer
le bien commun, de la gestion de ces collectivités régionales !
Le choix
démocratique des dirigeants constitue un second critère de la
participation des citoyens à leurs collectivités décentralisées.
L’abstention massive aux récentes élections communales et régionales
montre à l’évidence que les citoyens ne se sentent pas concernés. Une
des premières raisons de ce rejet est le mode de scrutin. Organiser deux
votes distincts (au suffrage universel direct pour les conseillers
municipaux, pour le maire et pour les conseillers régionaux, au suffrage
indirect pour le chef de région), avec le risque de voir les fonctions délibératives
et exécutives confiées à des personnes de sensibilité politique différente,
est aberrant. La plupart des pays démocratiques font élire le conseil ou
l’assemblée délibérante au suffrage universel, avec une forte dose de
proportionnelle, la majorité de l’assemblée choisissant ensuite son président.
Cette méthode garantit stabilité et efficacité pour toute la durée du
mandat des élus.
Ce mode de scrutin est théoriquement celui des régions, mais
l’article 144 de la Constitution modifiée ajoute que « les
parlementaires sont membres de droit du conseil régional ». Et
un récent décret décide que les députés n’auraient pas droit de
vote, mais que les maires de la région participeraient au scrutin.
Il faut dire que l’effectif squelettique de ces conseils, de 5 à
14 membres, rend difficile une élection pluraliste. En toute hypothèse,
cette composition hétéroclite du conseil régional est une entorse supplémentaire
à l’esprit d’autonomie de la décentralisation ; elle contredit
la Constitution qui veut que « les collectivités territoriales décentralisées
s’administrent librement par des assemblées » (Art. 139).
Une autre manière de contourner la volonté du suffrage populaire
et donc la participation citoyenne, est de nommer des PDS (Présidents de
Délégation Spéciale). Cette mesure, utilisée à tout moment et sans
discernement ces dernières années, remplace le libre choix des habitants
des régions et des communes par une désignation arbitraire du pouvoir
central. La succession de nominations visant à écarter des responsables
élus pour les remplacer par d’autres, plus dociles, ne peut que décourager
les citoyens soucieux d’une gestion autonome et rigoureuse de leur
collectivité décentralisée. Le recours à un PDS devra revenir à ce
qu’il n’aurait dû cesser d’être : exceptionnel et provisoire.
Enfin, une dernière étrangeté brouille l’image des chefs de région
et leur responsabilité démocratique. La loi de 2004 précise en effet
que le chef de région est à la fois un élu - qui n’a de compte à
rendre qu’aux électeurs -, et un représentant de l’Etat - qui n’a
de compte à rendre qu’à des supérieurs hiérarchiques de la capitale,
en l’occurrence le ministre de l’Intérieur. Le SeFaFi avait déjà
stigmatisé cette incohérence dans son communiqué du 4 mars 2005 :
« Décentralisation ou centralisation ? »(2). Une
contradiction juridique doublée d’un non-sens démocratique, que
reprend l’Article 143 de la Constitution : le chef de région est
« chef de l’administration dans sa région »…
Il reste que, le 16 mars 2008, aux journalistes qui
l’interrogeaient sur le mode de désignation des chefs de régions (élection
ou nomination), sans hésitation le Président Ravalomanana a répondu :
« Conformément à la Constitution : ils seront nommés (tendrena) ».
La
garantie de ressources nécessaires au fonctionnement et aux
investissements des collectivités décentralisées pose des questions
tout aussi délicates. De quelle autonomie peuvent disposer des
collectivités qui doivent attendre l’essentiel de leurs ressources du
bon vouloir de l’Etat central ? Significativement, la question des
ressources des collectivités décentralisées fait l’objet d’un
sous-titre de la Constitution, mais celui-ci se limite aux deux articles
150 et 151 : les dispositions prévues sont aussi brèves et vagues
que les ressources allouées sont maigres et aléatoires ! A
l’exception de quelques régions plus riches, les perspectives
d’autofinancement sont illusoires pour la plupart des autres. Et l’expérience
récente de municipalités tenues par l’opposition montre à l’évidence
que ni la loi ni la neutralité de l’administration ne suffisent pour
obliger l’Etat à tenir ses engagements. Or l’autonomie d’une région
ou d’une commune est un leurre si elle ne s’accompagne d’une réelle
autonomie financière. Celle-ci implique que les ressources soient à la
fois suffisantes et garanties, c’est-à-dire tirées pour l’essentiel
de l’économie locale. Manifestement, le législateur a écarté ce
choix, ce qui maintient les collectivités décentralisées sous sa
tutelle. Enfin,
concernant les communes, des
dispositions spécifiques devraient être étudiées et adoptées pour
leur donner une plus grande liberté d’action. Il conviendrait d’abord
d’unifier les deux statuts qui distinguent les rurales et les
urbaines. A quoi bon cette différentiation d’un autre âge ? Si
les critères retenus par la Constitution en son article 141 ne sont
guère compréhensibles (« … en considération de leur
assiette démographique réduite ou non à une agglomération urbanisée »),
le texte malgache ne retient qu’un critère numérique : « …
araka ny isan’ny mponina ao aminy
ka nahatonga azy ireny ho lasa tamba-tanàna ambonivohitra na tsia ».
En réalité, la plus grande étendue des communes de campagne permet sans
peine de réunir autant d’habitant que les villes les plus petites –
à l’exception de quelques zones particulièrement sous-peuplées ;
et l’agrégation de plusieurs
Fokontany peut donner à tout groupement humain la dimension minimale
pour se prendre en charge, où qu’il soit situé. Dans
le même esprit, il serait urgent de clarifier les conditions de la coopération
intercommunale, telle qu’elle est prévue par l’Article 146, que les
communes se constituent en groupements ou non. Plus surprenante est
l’absence de toute mention des agglomérations urbaines spécifiques aux
très grandes villes (Antsirabe, Toamasina et Antananarivo). L’aménagement
de ces ensembles suppose une approche spécifique qui ménage
l’autonomie de chaque participant, les plus petits étant généralement
les plus pauvres, et la nécessité d’investissements lourds en matière
d’infrastructures, de zones industrielles, d’habitat ou de traitement
d’ordures 2. Fokonolona et Fokontany :
aller jusqu’au bout du débat
Pour la Constitution actuelle, les régions et les communes
sont donc les seuls collectivités décentralisées. Et pourtant, une
autre institution collective alimente le débat national depuis des décennies.
Il s’agit du Fokontany, forme
organisée de la collectivité de base qu’était la cellule villageoise
des Hautes Terres, le Fokonolona. Dès
sa création, le SeFaFi a abordé le sujet : « la
situation la plus paradoxale sur le plan constitutionnel est celle des Fokontany.
Sont-ils des démembrements de Communes au même titre que les
arrondissements pour les grandes villes ? »
(13 novembre 2001)(1),
L’interpellation s’est faite plus précise
dans le communiqué du 13 août 2004, où sont dénoncées « les
ambiguïtés de la cellule de base »(2).
Le 4 mars 2005, le SeFaFi a abordé plus globalement la question de la décentralisation(3).
Il est encore revenu sur le sujet à
l’occasion du référendum constitutionnel (28 février 2007)(4),
et de manière plus insistante encore le 18 octobre 2007 : « Sefo
fokontany : où allons-nous ? »(5)
Voilà
pourquoi une réflexion sur la décentralisation, de la démocratie locale
et de la participation populaire, ne
peut ignorer la question fondamentale des Fokonolona
et Fokontany. Cette
structure de base est la plus proche de la population, et c’est par elle
que commence la véritable décentralisation… Le statut particulier et contradictoire
des Fokontany Avant
même que soient connues les révisions à soumettre au référendum
constitutionnel du 4 avril
2007, le SeFaFi avait rappelé que les Fokontany
étaient investis de trois fonctions différentes, mais difficilement
cumulables si l’institution veut garder la souplesse et l’efficacité
qui doivent la caractériser(6) :
-
relais administratif, -
cellule de développement, -
lieu de participation démocratique. Après
la publication des modifications proposées au référendum, le SeFaFi
constatait que, si le Fokontany
était considéré comme la base de développement, la partie traitant de
la réorganisation des structures de l’Etat était abordée de manière
trop superficielle(7). Depuis
lors, le décret n° 2007-151 du 19 février 2007 en a fixé
l’organisation, le fonctionnement et les attributions. Toutefois, la
profusion des textes contradictoires qui sont tous en vigueur, conjuguée
à la médiatisation outrancière dont les Chefs de Fokontany
(CFKT) ont fait l’objet de la part du pouvoir, a poussé le SeFaFi
à s’interroger sur le fond du problème dans son Communiqué du 18
octobre 2007: « Sefo Fokontany :
où allons-nous ? »(8) Le
Fokontany est-il un niveau de décentralisation interne à la
commune, ou une structure déconcentrée de l’Etat ? Jusque là désignés
par le Maire et pris en charge par le budget de la Commune, le Chefs de Fokontany
et ses adjoints sont désormais désignés par le Chef de District, représentant
de l’Etat, et pris en charge par le budget de l’Etat. De plus, ils se
trouvent investis de pouvoirs démesurés par rapport à leurs capacités
réelles en personnel et en ressources financières. Il en résulte une
fragilisation du gouvernement des Communes dont ils devraient être les
collaborateurs les plus proches et les plus fiables. En
fin de compte, il est clair que le législateur n’a pas su, ni voulu,
donner au Fokontany un rôle clair et stable, qui soit adapté à l’ensemble
du pays et à son évolution – notamment dans les villes. Par ailleurs,
l’exécutif n’a de cesse de vouloir contrôler le Fokontany,
en refusant au Fokonolona toute possibilité de choisir librement et
directement ses représentants. Tant que perdureront ces blocages, il
n’y rien à attendre du Fokontany,
parce que les citoyens qui composent le Fokonolona
en sont exclus. Dans ces conditions, le Fokontany
ne sera pas le lieu de la participation démocratique. Il ne sera pas
davantage une cellule de développement, car il n’y a pas de développement
sans participation démocratique. Il subsistera comme l’ultime relais
d’une administration qui décide à la place de la population, le
pouvoir du citoyen ayant été remplacée par celui de l’administration
de l’Etat… Les relations
sulfureuses entre l’Etat et la CUA Le
18 octobre 2007 le SeFaFi s’étonnait une fois encore à la profusion de
textes remaniés et contradictoires sur le Fokontany.
Et voilà que peu après, le surlendemain des élections municipales, l’Etat
publiait un nouveau décret comportant un article sur la nomination des
Chefs de Fokontany à
Antananarivo ! Daté du 14 décembre 2007, ce décret (n° 2007-1097)
fixe l’organisation, le fonctionnement et les attributions de la Préfecture
de Police pour la ville d’Antananarivo ; et son article 7 précise
que « le Préfet de Police nomme par arrêté les Chefs de Fokontany
sur proposition du Chef de District concerné ». Elaboré par le
Ministère de l’Intérieur – la précision est d’importance -, il se
réfère toutefois au décret n° 2007-151 du Ministère en charge de la Décentralisation.
Or ce dernier, paru le 19 février 2007, fixe l’organisation, le
fonctionnement et les attributions du Fokontany,
et stipule en son article 5 que « le Chef de District désigne
par voie d'arrêté le Chef de Fokontany
et son adjoint. Ces derniers sont
choisis parmi une liste de trois noms proposés par le Maire, sélectionnés
sur la base de cinq noms élus par les membres du Fokonolona âgés de 18
ans révolus et plus, réunis en Assemblée Générale sur convocation du
Chef District ». Cet
article 5 du 19 février 2007 aurait-il été abrogé, le Préfet de
Police étant, pour Antananarivo, l’équivalent des Chefs de District
pour les communes de moindre importance ? S’agit-il d’un faux-pas
dû à la précipitation ou à l’inquiétude, ou cache-t-il
d’autres desseins ? Chacun sait qu’aux élections communales du
12 décembre 2007, le candidat du TIM à la mairie d’Antananarivo a été
battu par Andry Rajoelina, du TGV. Serait-ce la preuve que ceux qui ont le
pouvoir s’ingénieront toujours à vouloir contrôler toute la chaîne
de commandement, quitte à réduire la décentralisation à n’être
qu’un leurre ? Face
à l’imbroglio politico-juridique qui le prive de relais dans les Fokontany, et qui a des précédents dans l’histoire d’Antananarivo,
le maire s’emploie à
chercher des solutions qui corrigeront cette anomalie. Il n’est pas sûr
qu’il y parvienne, les arrière-pensées politiques finissant souvent
par l’emporter sur le droit. Mais le citoyen est en droit de se demander
si les principes de la décentralisation ne sont pas bafoués et si son
efficience n’est pas compromise par les manœuvres dilatoires d’un
pouvoir refusant tout contre-pouvoir. En attendant, cette profusion de réglementations
confuses, contradictoires et mal vulgarisées ne peut que favoriser des
situations conflictuelles dans un contexte déjà tendu. Le
fond du problème, ou l’urgence d’un débat national De
ce débat, le SeFaFi avait dégagé, dans son communiqué du 13 août
2004, trois points majeurs qui n’ont rien perdu de leur actualité :
1.
« La succession des textes et leurs modifications successives
sont révélatrices des hésitations des pouvoirs publics, qui manquent
d’un projet de société fondé sur une démocratie effective, notamment
pour les campagnes. 2.
Tandis que l’idée de Fokonolona perd de plus en plus de sa
signification réelle et de son rôle de symbole, surtout dans les villes,
le législateur paraît progressivement revenir à des pratiques de déconcentration.
Est-ce le signe que l’on s’oriente vers une administration qui préfère,
à tous les niveaux, la déconcentration (c'est-à-dire le pouvoir des
responsables nommés par l’administration) à la décentralisation
(c'est-à-dire le pouvoir des responsables élus par le peuple ? 3.
Le renforcement
de la démocratie de proximité ne supposerait-il pas que les responsables
des Fokontany soient élus par le Fokonolona et voient leurs prérogatives
renforcées ? »(9). Mais
au-delà du problème de réglementation, l’enjeu fondamental est bien
celui de la décentralisation, c'est-à-dire la possibilité concrète
reconnue au peuple se diriger par lui-même. Et dans la même logique, on
l’a dit, se joue tout autant le sort de la démocratie participative et
du développement local. La
« vision » du MAP parle de « citoyens participants
actifs au processus de développement » : nos dirigeants
veulent-ils vraiment mettre en œuvre « la participation et la coopération »
censées faire partie de ses valeurs directrices ? Chacun de nous
veut-il réaliser ce qui est décrit dans la Politique Nationale de Décentralisation
et Déconcentration (PN2D) et repris dans ses grandes lignes dans le
Défi 6 (Décentraliser l’administration publique) de l’Engagement 1
(Gouvernance Responsable) du MAP ? A eux seuls, ces sigles et abréviations
incompréhensibles sont une insulte au parler clair et à l’intelligence
collective ! En
son article 134, la Constitutions énonce que « les Collectivités
territoriales décentralisées [Régions et Communes, Art. 138], dotées
de la personnalité morale et de l’autonomie administrative et financière,
constituent le cadre institutionnel de la participation effective des
citoyens à la gestion des affaires publiques et garantissent
l’expression de leurs diversités et spécificités. » Pour
le moment, les Communes sont les seules vraies collectivités décentralisées
qui existent : elles ont leurs lacunes et leurs défauts, mais elles
fonctionnent. La population s’est habituée
à elles, elle se les est appropriées. Et quand elle en a la possibilité,
à l’exemple de ce qui s’est passé à Antananarivo et dans quelques
autres communes ou municipalités, elle exprime clairement ses choix sur
les orientations et sur les dirigeants qu’elle souhaite pour elle. Alors,
quel avenir pour ces communes ? Ne faudrait-il pas renforcer leurs
capacités et donc miser à fond sur elles, au lieu de les déstabiliser
par une insidieuse déconcentration « infra-communale » qui
ne correspond à aucun niveau de décentralisation ? De plus, cette
pratique s’oppose à l’un des principes de la Loi d’orientation générale
de la décentralisation, n° 93-005, qui stipule qu’à tout pouvoir décentralisé
doit correspondre un pouvoir déconcentré. La
Constitution affirme que « le Fokonolona, organisé en Fokontany,
constitue un cadre d’échange et de concertation participative des
citoyens » (Préambule) et que « le Fokonolona est la base du développement » (Art. 35).
Centraliser l’animation et la tutelle des Fokonolona contredit
l’esprit de la Constitution, affaiblit les Communes et décourage les
citoyens. Le
SeFaFi propose donc que soit organisé un vrai débat, national et public,
sur la décentralisation en général, et son application au niveau
infra-communal en particulier. Dans ce cadre, il conviendra d’aborder
sans tabous toutes les questions concernant le Fokonolona,
le Fokontany et les pouvoirs locaux traditionnels. Cela permettra se
s’affranchir de nombreux mythes et traditions… Au
terme d’un tel débat, viendra le temps de légiférer, dans une démarche
qui respecte le droit et l’anthropologie, à partir des conclusions qui
se seront imposées. Pareille initiative ne sera certes pas facile à
mener à terme, mais elle sera extrêmement utile, et sans doute
incontournable, pour l’avenir des régions, des Communes et de la décentralisation.
Antananarivo, 28 mars 2008 (1)
« De la véritable décentralisation, I. Les ambiguïtés de la
cellule de base (13 août 2004), II. La mise en place des Régions (1er
octobre 2004) », in SeFaFi, Une démocratie bien gérée, décentralisée et laïque, à quelles
conditions ?, 2005, pages 26 à 39. Et « Décentralisation
ou centralisation ? » (4 mars 2005), in SeFaFi, Une société civile sans interlocuteurs, déni de bonne gouvernance ?,
2006, pages 6 à 11. (2)
« Plus étonnant est le statut
hybride des Régions : en son article 4, la Loi
2004-001 relative aux Régions précise en effet que « Les Régions
sont à la fois des Collectivités territoriales décentralisées et
des circonscriptions administratives ». Cela signifie que les
futurs responsables porteront, selon leur humeur ou les besoins du
moment, tantôt la casquette d’élus investis du suffrage universel
et chargés d’administrer librement la Région (ce qui relève de la
décentralisation), tantôt la casquette de représentants de l’Etat
ou du Chef du Gouvernement, chargés de mette en œuvre la politique
de l’Etat central (ce qui relève de la déconcentration). Faut-il
préciser que ces deux fonctions, en stricte logique politique et
administrative, sont incompatibles ? » SeFaFi, Une
société civile sans interlocuteurs, déni de bonne gouvernance ?,
2006, pages 6. (1)
« Elire ses représentants : qu’est-ce que la représentativité ? »,
13 novembre 2001, in Libertés publiques,
les leçons d’une crise, SeFaFi, 2002, page 114. (2)
« De la véritable décentralisation », in Une
démocratie bien gérée, décentralisée et laïque, à quelles
conditions ? SeFaFi, 2005, pages 26 à 31. (3)
« Décentralisation ou centralisation ? », in Une
société civile sans interlocuteurs, déni de bonne gouvernance ?
SeFaFi, 2006, pages 6 à 11. (4)
« De quelques modifications constitutionnelles » :
Des provinces aux régions, communes et fokontany, in Elections
et droits de l’homme : la démocratie au défi, SeFaFi,
2008, pages 20 à 23. (5)
In Elections et droits de
l’homme : la démocratie au défi, SeFaFi, 2008, pages 58
à 67. (6)
« Référendum constitutionnel : décentralisation et
fokontany » 28 février 2007, in SeFaFi : Elections
et droits de l’homme : la démocratie au défi, pages 8 à
15. (7)
« De quelques modifications constitutionnelles », 21 mars
2007, in SeFaFi : Elections et droits de l’homme : la démocratie au défi, p
20. (8)
Elections et droits de l’homme :
la démocratie au défi, pages 58 à 66. (9)
« Les ambiguïtés de la cellule de base », 13 août 2004,
in De la véritable décentralisation,
SeFaFi, 2005, page 30.
Membres
du SeFaFi en mars 2008 : - Ralison ANDRIAMANDRANTO - Gatien HORACE - Roger Bruno RABENILAINA - Ketakandriana RAFITOSON - Henri RAHARIJAONA - Jean Eric RAKOTOARISOA - Annie RAKOTONIAINA - Madeleine RAMAHOLIMIHASO - Jeannine RAPIERA RAMBELOSON - Noro RAZAFIMANDIMBY - Sylvain URFER |