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« QUELLE CRÉDIBILITÉ POUR NOS ÉLECTIONS ET POUR NOS ÉLUS ? »

SEHATRA FANARAHA-MASO NY FIAINAM-PIRENENA

SeFaFi

Observatoire de la Vie Publique

Rue Rajakoba Augustin Ankadivato Antananarivo

Tél. : 22 663 99 Fax : 22 663 59 Email : sefafi@netclub.mg

 

QUELLE CRÉDIBILITÉ POUR NOS ÉLECTIONS  ET POUR NOS ÉLUS ?

           Les élections de l’année 2007 ont confirmé les craintes dont le SeFaFi s’était fait l’écho à plusieurs reprises[1]. Il peut être utile de revenir sur les principales carences constatées, et les conclusions que l’on peut en tirer.  

Déficit de représentativité 

         Un élu représente une population ou une fraction de population qui a majoritairement voté pour lui. Cette majorité d’électeurs réunis sur son nom lui confère la légitimé d’agir au nom de tous, soit comme législateur au sein des assemblées nationale, régionales ou communales, soit comme agent chargé de faire appliquer la loi au sein du pouvoir exécutif en tant que président, ministre, président de région ou maire…

         Mais lorsqu’un élu ne peut se prévaloir de la majorité des voix de son électorat, notamment en raison d’une abstention massive des électeurs, sa légitimité s’en trouve atteinte. Les citoyens ne lui ayant pas accordé leur confiance, ses actes seront récusés et le fonctionnement normal des institutions en sera affecté. A cet égard, le cas d’Antsirabe mériterait à lui seul une analyse approfondie : deuxième ville la plus peuplée de Madagascar, elle n’a eu droit qu’à une seule candidature pour sa mairie, ce qui constitue un recul évident de la démocratie.  

 

TABLEAU : ELECTIONS DU 12 DECEMBRE 2007, COMMUNE D’ANTSIRABE I 

CONSEILLERS

Liste de candidats

Entité

Voix obt.

%

http://www.mira.gov.mg/election/images/plus.jpgRANAIVOSOA Jean Joseph Victor et consorts

IND.MATOTRA

0

0,00

 

http://www.mira.gov.mg/election/images/plus.jpgANDRIANJOHANINARIVO Manana Harivelo et consorts

TIM

13.848

41,61

http://www.mira.gov.mg/election/images/plus.jpgANDRIAMAMPIONONA Lalanirina Ratovoarinjaka et consorts

AREMA

12.756

38,33

http://www.mira.gov.mg/election/images/plus.jpgRASOLONDRAMANAJATOVO Berto et consorts

GRAD ILOAFO

3.299

9,91

 

http://www.mira.gov.mg/election/images/plus.jpgRAKOTOARIMANANA Alfred et consorts

AFVA

3.379

10,15

Inscrits :

105.363

Nombre BV :

81

 

 

 

Votants :

38.148

BV Reçus :

81

Blancs et nuls :

4.866

Rapport :

  100.00 %

Suffrages exprimés :

33.282

Taux de participation :

  36.21 %

TOTAL

33.282

100%

MAIRES

 

Liste de candidats

Entité

Voix obt.

Taux

RAMALASON Olga Vololonirina

TIM

21843

100.00

TOTAL

21843

100%

 

Inscrits :

105370

Nombre BV :

81

Votants :

38190

BV Reçus :

81

Blancs et nuls :

16347

Rapport :

100.00 %

Suffrages exprimés :

21843

Taux de participation :

36.24 %

 

(Résultats publiés sur le site du MIRA, le 17 décembre 2007 à 18 h) 

Comme le démontre l’encadré ci-dessus, qui donne les résultats respectifs de l’élection du maire et des conseillers, la maire d’Antsirabe a été élue avec 21.843 voix sur un total de 105.363 inscrits, soit 20,7 % de l’électorat ; en d’autres termes, seul un habitant sur 5 a voté pour elle. La liste des conseillers sortie en tête, pour sa part, représente 14,5 % des électeurs, soit un habitant sur 7. Ces chiffres, accablants, prouvent que des situations inacceptables sont peu à peu banalisées au détriment de la démocratie - et au profit de qui ?

                  Et si en plus son élection est entachée de soupçons de fraude, le lien de confiance qui devrait relier l’élu à son électeur est rompu. De quelle légitimité peut se prévaloir un élu dont l’élection est le résultat de tricheries et de mensonges ? La défiance s’installe, qui creuse un fossé profond entre les dirigeants et la masse des citoyens.

Manque de confiance populaire 

                  Le recul spectaculaire de la participation électorale à Madagascar, entre l’élection présidentielle de décembre 2006 et les élections municipales de décembre 2007, montre que la confiance des électeurs a fortement diminué. Le vote a toujours été considéré comme un acte de patriotisme dans le pays, depuis que la souveraineté recouvrée en 1960 a permis aux citoyens de choisir leurs dirigeants : la participation électorale s’établissait facilement à un taux de 80 % d’électeurs.

                  A l’inverse, l’abstention n’a cessé d’augmenter au long de l’année 2007, pour atteindre des taux supérieurs à 80 % en de nombreux bureaux de vote. Une dérive rendue d’autant plus évidente que la Haute Cour Constitutionnelle, pourtant chargée de faire respecter la Constitution et de statuer en matière électorale, n’a pas jugé bon, pour la première fois dans notre histoire électorale, de communiquer le taux de participation aux élections législatives du 12 septembre…

                  Lorsque la population s’abstient parce qu’elle sait que son vote est manipulé en faveur du pouvoir en place, ce pouvoir se prive lui-même du droit  de décider et d’agir au nom du peuple. Autant dire que l’ensemble des citoyens n’est plus concerné par les promesses de développement, et que l’avenir du pays n’est plus entre ses mains.  

Des communes privées d’élection 

                        A Nosy Be, Sainte Marie et Tolagnaro, le gouvernement a décidé que les élections n’auraient pas lieu. De quel droit, au nom de quelle raison majeure, certains citoyens ont-ils été privés du droit d’élire leurs représentants, à l’occasion d’un scrutin national prévu par la Constitution et qui concerne toute la nation ?

                  Dans un pays démocratique, une élection ne peut être reculée que pour des cas de force majeure (guerre, cataclysme naturel) empêchant matériellement la tenue du scrutin. Par contre, les explications officielles n’ont convaincu personne, ce qui ouvre la porte aux interprétations les plus fantaisistes. Imagine-t-on que les électeurs de la capitale soient privés d’élection sous prétexte que le candidat du parti au pouvoir risque d’être battu ? En réalité, la loi n’est pas la même pour tous, et l’Etat de droit, dont nos dirigeants assurent qu’il est un modèle pour l’Afrique, est loin d’être réalisé.

                  Les citoyens de ces trois communes ont donc été privés d’élection, et le pouvoir central leur a imposé des dirigeants nommés, les trop célèbres PDS. Mais il y a plus grave : deux d’entre eux sont des militaires. Le SeFaFi s’était déjà interrogé sur la signification et les implications du recours aux militaires pour gérer le pays[2]. La leçon semble n’avoir pas été entendue, et la tendance à la militarisation de l’administration reprend de plus belle. Il y a là un légitime motif d’inquiétude pour la société civile. 

La désignation des responsables, source d’instabilité  

                  Le recours systématique à la désignation des responsables, là où la démocratie et le bon sens exigeraient qu’ils soient élus, constitue en autre une source d’instabilité chronique. A cet égard, l’exemple des chefs de régions est significatif : bien que la Constitution prévoie qu’ils doivent être élus, leur élection n’a cessé d’être reportée depuis 2004. A la place, le pouvoir désigne les personnes de son choix, qui sont toujours présentés, à leur nomination, comme les meilleures et les plus compétentes qui soient…

                  A l’usage, il n’en est que plus étrange de constater que sur les 22 chefs de région nommés en 2004, il n’en reste plus que quatre à exercer leurs fonctions. En d’autres termes, 18 d’entre eux ont été remplacés (dont 6, soit presque le quart de l’effectif, après les récentes élections municipales – ce qui en dit long sur ce que l’on attendait d’eux !). Dans de telles conditions, une Administration ne peut être efficace.

                  Il en va de même pour les PDS (Présidents de Délégation Spéciale), qui se sont succédés dans la plupart des grandes villes, et notamment dans la capitale. Aucun n’a répondu  aux espoirs dont ils étaient porteurs, puisqu’ils ont été soit limogés par ceux qui les avaient imposés, soit rejetés par le suffrage universel. Mais le record d’incohérence revient à Nosy Be, où deux nominations au même poste de PDS se sont suivies en moins de deux semaines, au tournant de cette nouvelle année ! L’instabilité, dans le cas précis, se double d’amateurisme…

 

Un pouvoir illégitime ? 

                  En réalité, un pouvoir issu d’élections contestées n’est pas à même d’assurer ses responsabilités. Dans de nombreuses communes, les populations ont manifesté publiquement leur refus de se voir imposer des dirigeants qu’elles n’ont pas élus. Est-il possible seulement que de tels dirigeants aient le front de parler au nom du peuple ? La question ne se pose pas seulement pour les maires et les conseillers municipaux, elle vaut tout pour les députés et pour tous les élus, qu’ils le soient au suffrage universel direct ou indirect…

                  Il en résulte une situation que Madagascar a souvent connue depuis son indépendance : celle d’un pouvoir qui a certes toutes les formes extérieures de la légalité, mais qui, pour la plupart des citoyens, est frappé d’illégitimité parce qu’ils ne se reconnaissent pas ou plus en lui. Pareille situation paralyse le présent, et handicape l’avenir.

Si l’efficacité des observateurs internationaux peut être sujette à caution, l’exemple du Kenya montre que la complaisance diplomatique peut être délaissée face aux manipulations électorales. A Madagascar, il est arrivé à plusieurs reprises que des diplomates soient sortis de leur réserve, tout en avalisant dans les faits des pratiques électorales dont ils contestaient le fonctionnement. Ainsi, la nécessité de la révision du Code électoral, l’utilité du bulletin unique et même les dangers de l’exercice du pouvoir solitaire ont été publiquement évoqués. Encore faudrait-il que le pouvoir sorte de son autisme et ait la sagesse d’écouter et surtout d’entendre.

Le silence de la communauté internationale à propos des dernières élections communales est sujet d’interrogation de la part de l’opinion. A terme, cette dernière risque d’être interprétée comme de la complicité de la part de ceux qui se veulent pourtant les chantres de la démocratie et de la bonne gouvernance.

                        En cette veille d’élection, le SeFaFi voudrait rappeler que chaque citoyen doit se sentir responsable de l’avenir du pays et réagir devant toute dérive portant atteinte aux avancées de la démocratie qui se cherche à Madagascar.

 

Antananarivo, 5 février 2008

[1] « Réflexions postélectorales » du 23 décembre 2006, « Référendum constitutionnel, décentralisation et fokontany » du 27 février 2007, et « Une élection qui fragilise ou consolide la démocratie ? » du 10 septembre 2007.

[2] « Militarisation et démocratisation », du 11 avril 2003, dans « Entraves à la démocratie : démagogie et corruption », 2004, pages 16 à 27.

 

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