Appel en vue d’une initiative de renforcement de L.I.E.N.
la Légitimité Internationale et de l’Entente Nationale à Madagascar


« Il y a un temps pour tuer et un temps pour soigner les blessures ; un temps pour démolir et un temps pour construire ; … un temps pour déchirer et un temps pour coudre… » (L’Ecclésiaste 3 : 3-7).


Préambule :
Madagascar : une Nation originale, des instabilités banales…

Depuis l’indépendance, toutes les « alternances » politiques à Madagascar ont été consécutives à des crises insurrectionnelles (1972, 1991, 2002), des controverses de « juridisme » (1996) ou des « incidents » meurtriers (1975) , nonobstant les ajustements de légitimité a posteriori.

Comme dans beaucoup de pays « émergents », les alternances sont synonymes de crise de régime. Il en résulte toutes les insécurités qui minent le développement économique, le progrès social et la fiabilité institutionnelle :
- désorganisation institutionnelle, incurie législative, versatilité réglementaire et non-respect de l’Etat de droit ;
- déficience de moyens propres de l’intervention publique ;
- dépréciation de la richesse nationale et de l’effectif des entreprises à capacité motrice;
- accentuation de l’inertie de l’administration publique ;
- et surtout aggravation des crimes et délits couverts par diverses impunités de faits.

Sous d’autres cieux en sous-développement chronique et classique, toutes ces insécurités tendent à engendrer
- des situations de guerre civile,
- des partitions armées du pays,
- des atteintes à l’intégrité territoriale
- et des privations des libertés publiques.
Ce n’est pas encore le cas de Madagascar, même si l’économie malgache se caractérise par les mêmes contre-performances que celle d’un pays en état de guerre.

Paradoxalement, malgré les conditions contestables et contestées de ces « alternances », chacune d’elles fut des occasions de la part des nouveaux gouvernants d’une intention
- de rétablissement officiel de la paix civile,
- de réaffirmation ostensible de l’unité du pays,
- d’annonce de renforcement de la souveraineté nationale
- et de tentatives apparentes de réhabilitation des libertés publiques.

L’insularité est certainement l’une des causes, obligeant ou permettant la préservation de ces quelques « fondamentaux » qui distinguent les « crises » de sous-développement de Madagascar avec les guerres civiles et les sanglantes instabilités d’autres anciennes colonies d’Afrique.

En revanche, cette insularité contribue à une inclination au repli, une capacité d’inertie et une forme de « résignation contemplative ». La forme classique d’expression est « la force d’inertie », on réprouve dans le silence en ne prenant aucune initiative et on évite soigneusement d’avoir à se créer des ouvertures de comparaison avec ce qui se fait avancer le monde.

Il en résulte un enfermement politique et économique qui favorise la falsification des normes d’évaluation, et d’échanges, l’appropriation des richesses par et au profit d’une oligarchie et un conservatisme (malthusianisme) économique, qui au-delà des inégalités sociales qu’il accentue, fige les réels déséquilibres régionaux et entretient les schémas discriminatoires (clans, castes et tribus).

Les solutions (essentiellement autour de la décentralisation institutionnelle) et les volontés souvent maladroites (discriminations positives) affichées par les régimes politiques successifs pour réduire ces déséquilibres régionaux ont toutes échoué. Le discours de politique régionale a été bien souvent instrumentalisé au profit d’intérêts personnels. Or la régionalisation est la voie pour un développement équilibré et durable de la Nation.

Les cassures durables de la société malgache oeuvrent pour la médiocrité du débat public officiel, la componction des délibérations de la représentation nationale et l’indigence de l’administration publique.

À chaque circonstance d’alternance, ressurgissent et sont attisés, a contrario de l’histoire, les fantasmes ethniques qui n’ont pourtant plus aucune réalité objective ni dans les mœurs, ni dans les faits.

Les déceptions et les frustrations étant toujours à la mesure des espérances, à l’approche des échéances de renouvellement, les échecs objectifs du régime en place permettent les arguties coutumières qui font ressurgir tous les spectres empêchant la continuité comme l’alternance républicaine, démocratique et sécurisante.

Du coup, après chacune de ces « alternances », la légitimité internationale est de nouveau à reconquérir, la paix civile encore à rétablir et l’unité nationale toujours à préserver.

Il en résulte des incertitudes dans l’évaluation des perspectives par les acteurs économiques, des à-coups dans la croissance, des perturbations notables dans la vie sociale et, au total, une marche chaotique, voire à rebours, vers le progrès et le développement. En d’autres termes, l’économique et le social sont souvent pris en otage par l’instabilité institutionnelle et les risques politiques.

La pauvreté latente finit alors d’éroder les piliers fondateurs (la morale ancestrale – « fomba » et son pendant – « tanindrazana » ) et les liens structurants (la solidarité coutumière - « fihavanana ») de la société malgache puis achève de faire, de toutes les « alternances » des occasions manquées !

Le nouveau régime issu de la crise de 2002 n’a pas échappé à cette alternance tronquée cyclique. A l’instar des régimes précédents et visiblement avec plus de diligence qu’eux, il y a eu une volonté de :
- reconquérir une reconnaissance internationale appuyée sur un protocole signé sous l’égide de la « communauté internationale » (Dakar 1 et 2)
- rétablir une relance et une fiabilité économiques par une politique d’investissement et une diplomatie économique volontaires
- concilier la légitimité et la légalité politiques du régime par l’organisation d’élections régulières (législatives et municipales) malgré des imperfections.

Ayant frôlé la guerre civile, le pays opère donc une normalisation dont le chemin est encore semé d’embûches et de couacs électoraux. La nécessité de se réconcilier est incontournable pour favoriser la croissance et le développement. Encore une fois, si l’histoire contemporaine peut être un guide, force est malheureusement de constater que le calme institutionnel est plutôt sujet à une grande précarité et que les crises politiques reviennent de manière périodique.

Madagascar, ce pays que l’on aime tous, ne mérite plus cette fatalité. Il importe de consolider et de renforcer la stabilité en cours d’être recouvrée.

Objectif :
Consolidation d’un pacte de stabilité en émergence

Sécuriser et ancrer la légitimité internationale

Plus de quarante ans après son retour à la souveraineté, Madagascar - dont la parenthèse coloniale n’a pas annihilé les ressorts humains, culturels et politiques – doit pouvoir rayonner dans le monde. Disposant de la capacité de transformer son potentiel en réalités palpables et en bien-être pour son peuple, la Grande Ile est à même d’être un partenaire majeur et crédible sur le plan international, apportant une valeur ajoutée tout en utilisant à son profit les leviers rendus accessibles par la mondialisation. La légitimité auprès du concert des Etats et la considération de la communauté internationale ne pourraient qu’être renforcées par la manière adulte et responsable dans la gestion des problèmes institutionnels et politiques internes.

Consolider et instituer l’entente nationale

Le moment est venu de faire face au passé en toute maturité, en discuter sereinement et en faire le bilan tant politique qu’économique sans acrimonie afin de conjurer les malentendus et désamorcer les rancunes tenaces. Le moment est venu de nous tourner vers l’avenir résolument et en toute confiance. Le moment est venu de réfléchir en commun sur les structures à même d’absorber les chocs politiques et susceptibles de générer un progrès économique et social équilibré et dynamique de toutes les couches de la population et de toutes les régions de l’île.

Moyens :

Une initiative historique

Renforcer et pérenniser les institutions républicaines

Sans juger de la légitimité des soubresauts qui scandent la vie nationale et sans se prononcer sur le bien-fondé des actes politiques et sociaux remettant en cause à intervalles presque réguliers l’ordre établi, il est nécessaire de mettre en place des procédures permettant de les canaliser.

Il s’agit de faire en sorte que les mécanismes institutionnels et constitutionnels soient suffisamment efficaces pour que les transferts de pouvoirs se passent en douceur, pour que les aspirations profondes puissent s’exprimer et être prises en compte de manière démocratique, pour que les conflits soient arbitrés pacifiquement et pour que les débats ne se délitent pas en occasion d’intolérance et de méfiance.

Fonder et partager un nouveau contrat social

Une lecture commune du passé et un consensus sur la vision du futur sont à rechercher. L’Unité nationale ne doit être fragilisée à chaque soubresaut politique. Aussi, doivent être trouvés les termes d’un nouveau contrat social liant la classe politique à la Nation, réconciliant les dirigeants avec tout le peuple sans distinction et raccommodant les déchirures catégorielles et régionales tant politique qu‘économique.

Organiser et normaliser les délibérations démocratiques en vue du renforcement de la concorde nationale

Pour favoriser l’édification de ce nouveau contrat social, nous suggérons la mise en place d’une structure, représentative de la diversité politique, économique, sociale et culturelle du peuple malgache et mandatée par les plus hautes institutions de l’État pour mettre en œuvre et recommander des mesures pouvant conforter l’unité et la concorde nationales.

N’ayant vocation ni à interférer dans les activités gouvernementales ni à s’immiscer dans les affaires judiciaires, cette structure veillera à orienter les réformes institutionnelles, politiques, administratives, économiques et sociales futures et à inspirer toutes politiques et dispositions favorisant la réconciliation nationale.

La création d’une telle structure va dans le sens de la décision de l’Union Africaine qui, après avoir réadmis Madagascar en son sein lors de son Assemblée de juillet 2003, a encouragé «le Gouvernement malgache à persévérer dans sa politique de réconciliation nationale» (Assembly/AU/Dec.6 (II)).

Conclusion :
Appel en faveur des états généraux de la concorde nationale

Au Président de la République et aux différentes institutions de la République nous lançons donc un appel, en vue de l’instauration d’une structure qui pourrait s’inspirer de la Commission Vérité et Réconciliation, créée en Afrique du Sud sur l’initiative du Président Nelson Mandela, et qui serait chargée de considérer dans le cadre d’une large table ronde, les voies et moyens pour renforcer la concorde nationale.

Nous faisons appel au Chef de l’Etat et au Parlement pour qu’ils mettent en œuvre cette initiative de renforcement de la Légitimité Internationale et de l’Entente Nationale, une initiative pour consolider le LIEN à Madagascar.

Le raffermissement de la solidarité et de la concorde nationales est sans conteste le socle le plus solide sur lequel peut s’appuyer le développement rapide et durable.

Antananarivo, le 21 janvier 2004


Signataires par ordre alphabétique :
ANDRIAMASOMANANA Mamy, administrateur territorial (ext.),
ANDRIAMIHARINOSY Augustin, entraîneur de football (ext.)
ANDRIANAMBONY Fara Antoine, directeur de sociétés,
ANDRIANASOLO TSIALONINA Liva, directeur de sociétés,
BEFENO Hyacinthe Todimanana, cadre financier (ext.),
BEFENO Alexis, étudiant en MBA (ext.)
BERANTO Alexandre, président p.i. AVAMAMI,
BEZANDRY Roger, directeur de sociétés,
DAHY Marie Annick, directeur de sociétés,
FENO Etienne, médecin,
HANITRINIAINA Miora Yolène, étudiante,
LETSIMIAVA Gilbert, docteur vétérinaire,
LEZAVA Fleury, secrétaire général MAMI,
MAHATOKY Tsiresy, économiste,
MANDRARA Erick, Maître de conférence en Economie,
MOIDZE Ali, opérateur,
PILLET, directeur de sociétés
RABE Landry Olivier, cadre supérieur,
RABEMANANJARA Albain, directeur de sociétés (ext.),
RABENANTOANDRO Rabefiraisana, cadre supérieur (ext.)
RADERT Tovonavalona, cadre (ext.),
RADESA Germain, enseignant,
RAJAOFETRA Noelisoa, cadre,
RAJAONA Philippe, cadre en informatique (ext.)
RAJOELINA Patrick, professeur de Droit (ext.),
RAKOTOARIVELO Annick, cadre supérieur,
RAKOTOBE Fanja, sociologue,
RAKOTOMAVO José, ancien ministre,
RAKOTONIRINA Marius, maître de conférence en Economie,
RALAISOA Georges, cadre supérieur (ext.),
RALITERA Jacques, cadre supérieur,
RAMANDIMBIARISON Jean-Claude, professeur titulaire en Sociologie,
RAMANDIMBIARISON Noéline, professeur d’enseignement supérieur en Géographie,
RAMAROSON Edmondine, directeur de sociétés,
RAMELIARIHAJA Sahondra, cadre,
RANDRIAMARO Jean-Roland, maître de conférence en Histoire Politique,
RANAIVO Alain, consultant,
RANDRIANANTOANDRO Nirina, maître de conférence en Physique (ext.),
RANDRIATSOTSY Miguel, cadre,
RASOANAIVO Rafitoson, consultant économique (ext.),
RASOLOFONIRINA Jhonson Dieudonné, maître de conférence en Sciences Politiques,
RAVALOSON Jaona, président Madagascar Entreprise Développement MED (ext.),
RAVALOSON Johary Hasina, docteur en Droit (ext.),
SOLO Henri Marcellin, président Syndicat des Pharmaciens,
SILENY Nanaï, entrepreneur,
TAHINDRO André, fonctionnaire international (ext.),
TONGAVELO Athanase, président HAZOLAVA,
TSIALIVA France Louis, développeur d’entreprises,
TSIO TOU Vincent, opérateur en distribution,
ZAFIBOGERA Didier, cadre,
ZAFIMAHOVA Serge, président Club Développement et Ethique CDE.

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