Echo
du Capricorne 06 Octobre 2005
Souvenirs
de printemps... Au commencement était un palais…
L’arrivée sous un soleil radieux, en ce début de soirée printanière, dans cette ville méditerranéenne, m’imprègne bien de cette impression d’un voyage initiatique : constructions modernes, espaces en devenir, friches jalonnent le parcours du tram conduisant vers le domaine d’Ô, lieu d’accueil du festival des printemps des comédiens à Montpellier. L’excitation d’une expérience inédite, assister à la genèse d’une œuvre originale m’envahit : Le « Palais des vents » est annoncé comme une première dans l’histoire de la création artistique, les artistes ont été recrutés de part et d’autre des rives de l’Océan Indien. Daniel Bedos et Raoul Vuhra, les initiateurs, ont fait le déplacement en Inde, Madagascar et dans les îles de l’Océan Indien, et avec l’aide de contacts artistiques locaux, par exemple Dolly Odeamson de la troupe Landyvolafotsy pour la partie malgache, proposent de monter un spectacle sur l’imaginaire de l’Océan Indien, en mettant en exergue le côté spirituel… Quelques jours avant la première, ces artistes ne se connaissaient pas. Ils ne parlent pas la même langue et doivent ensemble bâtir ce Palais et le présenter pour une quinzaine de représentations.
Et là, dans l’immensité du domaine d’Ô - un lieu abouti et en plein nature: amphithéâtre, chapiteaux et tréteaux de baladins sont plantés en harmonie avec un environnement boisé et embaumé d’une pinède et d’une oliveraie - je me dis que le cadre esthétique augure d’un Palais des vents où l’exotisme ne pouvait pas être mieux servi.
La genèse de l’humanité…
Il est 18h, les grilles de l’espace micocouliers du domaine d’Ô s’ouvrent : le public s’engouffre en joyeuse procession familiale dans l’allée des oliviers. Il est accueilli par les musiciens malgaches : Olombelo Ricky, Dieudonné, Hajazz, et Jean Donne, perchés sur des stèles en gardiens d’un lieu où on sent une magie, une spiritualité, venues sans doute du royaume des vazimba, les premiers habitants malgaches.

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Au commencement était le vent devenu parole, peut on entendre dans tout l’espace, Xhy et
Maa, les visionnaires malgaches installés en bas de l’allée, au seuil du premier théâtre, introduisent ainsi la genèse de l’humanité… Le tout est agrémenté par une illustration musicale d’une sonorité chatoyante. On découvre alors sur la première scène à gauche de l’allée centrale la source de cette musique avec le luthier Sammy. Sammy accueille, le temps de leur installation, le flot de spectateurs venus en masse, pour cette soirée de
l’Océan Indien. Il n’y a eu que 400 personnes ce soir, m’explique Daniel Bedos, co-directeur artistique du Palais des vents et directeur du festival Printemps des comédiens.
Le vendredi, quand il y a deux représentations, une fois dans la journée et une fois dans la nuit, il y a plus de 800 personnes, me confirme Daniel Bedos.
Pour l’heure, les derniers s’installent tout en regardant respectueusement Sammy et sa
valiha. Et nous voilà embarqués pour 2 heures d’évasion sur les rivages du fabuleux continent…
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Voyage entre tradition et modernité
Cette évasion transocéanique me plonge dans un univers où la diversité se dispute avec l’originalité. Je me laisse subjuguée par la grâce de la danseuse Upeka, du Sri Lanka, submergée d’émotion par un chant en duo de Bakomanga la malgache et Shirya l’indienne, ensorcelée par la magie des artistes du Rajasthan…
Eblouissement total quand arrive sur scène, drapé comme une danseuse des Mille et Une nuits, Amanah Singh. Il montre ici une tradition en Inde, un travesti qui danse en tournoyant : l’homme toupie.

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Les Antandroy lutteurs et danseurs Monja et Sana apportent eux aussi une touche de traditionnel. D’autres pas de danses traditionnelles malgaches sont dévoilés par Bakomanga et Donné. La transition avec les danseurs breakers de La Réunion, Maurice et Comores se fait dans une fluidité remarquable.
Les musiciens des différents pays de l’Océan Indien, accompagnent pratiquement tous ces moments.
Après cette première escale, les spectateurs sont invités en ateliers : magie, découverte des instruments à vents et à cordes, divination sous la tente de Xhy et
Maa…
Au son d’une conque, les regards sont captivés par des acrobaties aériennes exécutées sur des mâts par des jeunes enfants, des surdoués du
mallakhamb, une forme de yoga aérien, dont le maître est Hanuman, le Seigneur des Singes.
Les spectateurs sont ensuite invités sur le deuxième théâtre. Le voyage continue avec des chants démontrant une fusion des artistes de
l’Océan Indien, du
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théâtre masqué enchantant les petits et grands. Les danseurs Hip-hop se lancent dans des figures stylées de
moringue. Et puis moment solennel avec le Famadihana malgache. Tous les musiciens participent encore, qu’ils viennent de la Grande île ou du Rajasthan.
La mémoire des ancêtres est là, palpable, des vazimba au Hanuman. C’est une collaboration transocéanique réussie, un palais inédit bâti sur des bases culturelles fortes et qui se complètent, un espoir pour l’avenir...
En attendant, un rêve peut-être accessible, voir une tournée de cette troupe à travers l’Océan Indien, en passant par la France !
Textes : Echos du Capricorne/ Claudie
Photos : Xhy et Monja par Simon
Interview de Daniel Bedos sur www.echoscapricorne.org
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