|
RANORO
Il y a des siècles, au temps du peuple légendaire, les
Vazimba, qui furent les ancêtres des malgaches, il existait, dit-on, des ZAZAVAVINDRANO ou des Filles de
l'Eau.
Or un jour, Andriambodilova, tandis qu'il se reposait au bord de la Mamba,
aperçut au milieu de la rivière une merveilleuse jeune fille assise sur un
rocher.
Il resta muet d'admiration devant tant de beauté. Ses cheveux étaient si longs
qu'ils trempaient dans l'eau et ses yeux si grands, qu'ils semblaient refléter
tout le paysage.
Elle rêvait, le regard perdu vers Analamanga, "la forêt Bleue", où est bâtie,
à présent, Tananarive.
Andriambodilova contemplait la ravissante créature sans oser bouger ni parler.
|
Mais voulant tout de même lui exprimer son admiration, il se mit à chanter. Il
avait une jolie voix très douce et le chant monta vers le ciel bleu où passait,
lentement, un vol de Vorompotsy (héron blanc).
La belle aux longs cheveux, après avoir écouté pendant quelques instants,
plongea et le jeune homme, déçu, resta longtemps les yeux fixés sur le rocher,
en l'appelant en vain.
Pendant plusieurs jours, Andriambodilova revint à la même place et à la même
heure. L'Ondine était là, comme fidèle au rendez-vous, mais dès qu'il
l'appelait, elle disparaissait.
Il décida alors d'user d'un stratagème et un matin, nageant sans bruit entre
deux eaux, il s'approcha de la roche où semblait dormir l'Ondine et saisit une
de ses longues mèches qui flottaient sur l'eau comme de souples algues.
Elle ouvrit de grands yeux étonnés et voulut plonger, mais le jeune Vazimba
n'avait pas lâché prise et elle ne put bouger. Il monta alors sur la roche, à
côté d'elle.
- Je ne m'enfuierai pas, dit-elle et sa voix était aussi douce que son regard.
Ne tire plus sur mes cheveux, tu me fais mal. Que me veux-tu? |
 |
-Dis-moi quel est ton nom? Je ne peux plus vivre sans toi. Veux-tu être ma
femme?
- je m'appelle Ranoro, fille d'Andriantsira (le seigneur -du-sel); j'habite le
fond de la rivière avec le peuple des Ondes, dans les Grandes Cavernes où l'eau
ne pénètre pas. C'est le plus beau pays du monde, mais moi aussi je t'aime et je
veux bien rester sur la terre.
Si j'ai plongé plusieurs fois, ce n'était que
pour t'éprouver, car lorsque l'amour n'est pas partagé, il est comme un fleuve
tari. Emmène-moi dans ta case, je serai ta femme, mais à une condition, c'est
que tu ne prononces jamais devant moi le mot "sel".
Andriambodilova promit et, tout à son bonheur, il emmena sa fiancée dans la
belle case qu'il possédait, un peu à l'écart du village. Et tandis qu'elle
marchait, Ranoro releva ses cheveux pour qu'ils ne traînent pas dans la poussière.
Les années passèrent et ils étaient heureux, ils eurent beaucoup d'enfants.
la suite de la légende Vazimba :
Un matin, Andriambodilova décida de s'absenter toute la matinée pour retourner son champ. Avant de partir, il recommanda à Ranoro d'attacher le veau car il désirait le sevrer et traire la vache à son retour.
Mais Ranoro, qui était très étourdie, se trompa et attacha le veau par la queue, puis rentra dans la maison. Cela n'était pas du goût du jeune animal et il se débattit si bien qu'il se détacha. Après quoi, il n'eut rien de plus pressé que d'aller rejoindre sa mère et de boire tout le lait.
Lorsque Andriambodilova revint des champs, il aperçut de loin le veau qui gambadait autour de la vache. Il se mit dans une grande colère et la colère, chacun le sait, est une bien mauvaise conseillère.
-Tu n'es bonne à rien ! cria-t-il. Tu ne seras toujours qu'une Fille-du-Sel.
A peine eut-elle entendu le mot fatal que, même sans prendre le temps d'embrasser ses enfants, Ranoro courut vers la rivière et plongea.
Andriambodilova cria :
-Mais taisez-vous donc, Enfants-du-Sel.
Ce n'est certes pas cela qui arrangea la situation car Ranoro ne revint plus jamais sur la terre.
On raconte cependant qu'elle se montrait en songe à son mari et à ses enfants pour les conseiller.
Elle se montrait aussi aux gens du pays et leur aurait dit :
-Si vous vous souvenez de mes bien faits, je continuerai à vous protéger et si vous venez à la Maison de pierre où je me suis réfugiée, je vous aiderai.
L'endroit où, d'après la tradition, Ranoro se serait jetée dans la rivière est devenu sacré. C'est au village d'Andranoro près de Tananarive que se trouve "la Maison de pierre", lieu du pèlerinage.
Cette Maison de pierre est une grotte pleine d'eau, près d'un grand rocher où elle aurait déposé som lamba avant de disparaître.
Tous ceux qui passe invoquent Dame-Ranoro-la-Sainte. Son intervention est, dit-on, très efficace en toutes circonstances.
Mais ce n'est pas moi qui suit le Menteur...
...
suite
Cliquez-ici
Extrait de:
CONTES POPULAIRES MALGACHES
Recueillis, traduits et annotés par Gabriel FERRAND / Paris, 1893, Ernest Leroux
Editeur. / Nendeln, 1974, Kraus Reprint.
NOTE:
Mais à part les centaures, d'autres êtres fantastiques font aussi part de la
réalité quotidienne des Malgaches dont voici les plus connus : les
zazavavindrano, les kalanoro, les vazimba et les lolo vokatra. Toutes ces créatures sont tellement réelles que même les plus grands savants et
scientifiques malgaches ne nieraient ni leur existence dans la Grande Ile, ni
leurs pouvoirs surnaturels.
Les zazavavindrano ou filles de l'eau, sont assimilées à tort aux sirènes de la
conception occidentale. En réalité, ce sont des êtres presque humains comme nous
à la seule différence qu'ils on des capacités magiques et qu'ils habitent
constamment sous l'eau. Notons quand même que dans une région de l'île, appelée
Vangaindrano, certains de ces êtres sont sortis de l'eau pour se rendre dans une
Ecole Primaire Publique (EPP) et étudier avec la descendance humaine. Le soir
après les cours, certains élèves de cette école rentraient sous l'eau tandis
que d'autres allaient chez eux dans leurs maisons familiales. Cet événement
s'est passé au début de la Colonisation de Madagascar par les Français. Notons
aussi que les zazavavindrano se rencontrent dans toutes les régions côtières de
l'île et qu'ils n'ont pas de nageoires mais des jambes humaines.
Moins nombreux et moins démonstratifs que les zazavavindrano, les kalanoro vivent cachés du fait que la mémoire collective se souvient d'une chasse aux
kalanoro, faite par les Français durant la Colonisation de 1896 Ã 1960.
Kalanoro signifie "belle jeune fille" dans une langue ethnique malgache.
Elles sont des personnes de petite taille avec des cheveux longs qui couvrent
tout leur corps. La seule chose qu'on sait d'eux, c'est qu'ils ne vivent ni en
solitaire ni en groupe mais seulement avec les "mpitaiza" de chaque village,
qui comprend les mpanandro (astrologues), les mpimasy (ceux qui connaissent les
vertus des plantes) et les mpisikidy (les géomanciens). Les kalanoro confèrent
à ces érudits leurs pouvoirs afin d'aider les villageois.
Pour certains les kalanoro seraient simplement les proto malgaches qui auraient été repoussés de plus en plus loin dans les forets par les conquerants venus de la mer. Ils auraient poursuivis leur mode de vie forestier de chasseur cueilleur en marge des agriculteurs sedentaires nouvellement installés. C est pour cette raison que les legendes presentent souvent les kalanoro comme de petits
êtres vivants dans les forets et dans des grottes et a qui on fait des offrandes.
S'il reste des proto malgaches, ils poursuivraient donc leur vie pepere dans le peu de foret qui reste.
Notons que zazavavindrano et kalanoro sont connus sous un vocable féminin mais
il y a quand même des mâles parmi ces créatures.
-
|