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Recueil des News sur Madagascar  qui nous parviennent - janvier 2002

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Les infos du jour

Jean Luc Raharimanana, écrivain

A vous Monsieur le Président...

Texte édifiant de Jean Luc Raharimanana, écrivain :

Antananarivo. Place du 13 mai. Encore et toujours. Une foule monstre…

Paris. Tours. Boston ou Tremblay. Entendues lors des rencontres et dédicaces, lues dans des articles, répétées de lèvres en lèvres, ces phrases : « le peuple malgache s’est toujours tenu loin des turpitudes et violences chroniques caractéristiques au continent noir », « l’île rouge ou la sagesse ancestrale, peuple de paix, de douceur… »

Rassurantes ces phrases. Honorifiques. Voici donc un peuple qui se démarque de l’Afrique. L’Afrique noire de corruption, noire de massacre et de violence, de génocide ou maintenant de cendre volcanique.

Accepter ces phrases, c’est avaliser l’extrême cynisme du régime en place à Madagascar. Accepter ces phrases, c’est reconnaître un certain discours teinté du racisme et du mépris centenaire envers l’Afrique Noire. L’Afrique noire qui jamais, ô que nenni, ne pourrait comprendre ce que c’est que la civilisation : « tout cela, voyez-vous, est chose naturelle chez eux… »

Madagascar serait donc un des seuls pays de cette Afrique qui ait su se préserver de toutes ces barbaries !

Place du 13 mai. Encore et toujours. Une foule énorme. De deux cent mille à trois cent mille personnes. Selon les jours. Selon le désespoir ou l’envie. L’envie d’en finir enfin. L’envie de retrouver une vie plus digne. Cette foule ne sait pas ou ne veut pourtant pas savoir que sa parole ne franchit pas les clichés qui entourent son île. Plus encore que la mer, l’ignorance ou l’aveuglement nous entoure.

Place du 13 mai. La foule toujours. Des tanks. Des rangées de militaires. J’étais au Lycée. Milieu des années 80. De massacre. Non ! Il n’y en a jamais eu. Du moins à la mesure de ces autres pays totalitaires. Mais à quelle aune mesurer maintenant l’inhumanité d’un régime ? Au nombre de morts ? A la violence spectaculaire qui sied si bien à la pellicule ? Le régime de l’Amiral –Amiral sans flotte au demeurant, a parfaitement jaugé cette appréhension occidentale de l’Autre. L’image fait figure et identité. C’est simple : il n’y eut plus d’image provenant de Madagascar. Ou plutôt si : figures innocentes de lémurien, superbes paysages de baies et de collines, avenue de Baobab et alignement infini de tsingy –rochers dressés tranchants comme des lames, rareté géologique qui ne pouvait exister que dans ce sanctuaire de la nature qu’est l’île rouge. Comment un drame pouvait-il se jouer dans un décor aussi magnifique ?

Dans ces forêts de lémurien, des gens se sont réfugiés en 47, fuyant la répression coloniale. Au bout du compte, cent mille morts. Chiffre contesté par certains historiens, martelé par les malgaches et leurs défenseurs. Un moindre chiffre dégagerait-il la responsabilité de l’autorité coloniale, réviserait la souffrance d’un peuple ? Guerre du spectaculaire toujours pour reconnaître l’Autre.

Autre époque, celle de la Révolution socialiste malgache, années 80, l’Amiral était déjà aux commandes de sa flotte fantôme, dans ces collines, j’avais eu peur quand, enfant, dans ma cité d’Ambohipo, la nuit, j’entendais japper les chiens. Invariablement au matin, les militaires occupaient les sommets, encerclant l’université enclavé dans ces collines, bouclant les foyers d’étudiants. Les hélicoptères striaient déjà le ciel.

Je me souviens de ces manifestations qui partaient de l’université. Avec d’autres enfants de la cité, nous guettions, perchés dans les arbres, les mouvements des militaires. Ils cassaient les colonnes d’étudiants avec des charges à la baïonnette et aux grenades lacrymogènes pour que ces derniers s’éparpillent dans les collines et se fassent cueillir plus loin. Des camions les y attendaient. Qui les embarquaient. Qui les emmenaient. Enchaînés debout. Les mains relevées vers les bâches. Beaucoup sont relâchés. La plupart en vérité. Mais ils reviennent silencieux, le regard éteint. Quelques jours plus tard. Quelques mois même pour certains. Peu de mort. Peu de chiffre à exhiber devant les caméras du monde entier, du moins, si lesdites caméras voulaient bien être présentes. Ce dont je n’ai jamais été témoin. Jamais.

Toujours l’absence d’image, le silence. La mesure de l’autre se fait à l’intensité de son regard, au cri de sa souffrance. Le malgache n’est-il pas cet homme calme et silencieux, doux et accueillant, mystérieux et s’épanchant au minimum ? Sauf avec ses morts à qui il est capable d’offrir la plus somptueuse des fêtes ? Le silence de ces années ne correspond-il pas simplement à sa véritable nature ? Où situer l’oppression d’un régime ? Comment soutenir une souffrance qui ne s’entend pas ?

1972. Révolution sociale et socialiste à Madagascar. L’on quittait le néocolonialisme des années 60. Indépendance véritable disait-on. Malgachisation. Le pays quittait la « zone franc », assumait seul son économie. Non alignement. Défense des peuples opprimés. Ratsiraka éblouissait les sommets internationaux. Qui pouvait ne pas croire en lui ?

Je défilais souvent les jours de fête nationale. L’on agitait des petits drapeaux. Ceux de tous les pays avides de liberté. Flamboyance de la lutte. Exaltation d’une fierté nationale. Sentiment d’appartenance à un bloc qui se relève et qui ne veut plus se soumettre au joug de l’Occident : la Libye, la Corée du Nord, l’Algérie, le Burkina, le Vietnam, l'Irak, Cuba...…

Mise en place d’un discours que l’on devait tenir sous peine de connaître les affres de la DGID : tous nos malheurs proviennent des pays riches, de la Banque Mondiale et du FMI. Cette part de vérité devient simplement totale vérité. Qui y pense sceptique y laisse sa peau ! C’est facile en fait de se faire à cette idée. Tant de richesse dans ces pays « développés » ! Tant de douleurs qu’ils nous ont légué au sortir de la colonisation !

Des années de dictature où la moindre parole fut répercutée vers des « oreilles révolutionnaires ». Des années de dictature où la parole fut organisée de façon à ce que toute réplique soit annihilée. Construction d’un nombre important d’école mais absence flagrante d’enseignants. Jamais l’Etat malgache n’a construit autant de bâtiments scolaires que lors des premières années de la Deuxième République. Des murs. Des bancs. Aucun entretien. Aucune affectation d’enseignant.

Création d’un ministère de la culture. Ministère de la Censure ont l’habitude de dire les artistes. Bibliothèque nationale à budget indécent. Bibliothèques décrépites. Quelques livres sur la nutrition. Des dons de la Croix Rouge, de l’Unesco. Des vieux livres envoyés par des ONG, des associations. En français. En anglais. En russe. En chinois. J’en ai même vu, lu en espéranto ! J’adorais ça ! La langue du pays qui n’existe pas. Je retrouvais le mien !

Coupure totale avec l’extérieur.

Organisation cynique de l’analphabétisme. Jamais état d’ignorance ne fut appliqué à Madagascar. Le silence s’installa naturellement. Qui ne crie ne souffre. Qui n’écrit n’a de douleur. Qui se préoccupe d’un être qui ne se fait ni lire ni entendre ? Pouvez-vous me citer un seul écrivain malgache ?

Même état de chose au niveau de la santé. Des dispensaires à profusion. Mais quels infirmiers ? Quel médecin ? Bien souvent, l’on bâtissait une maison en tôle. Bien souvent on le baptisait « dispensaire d’état ». L’on y apposait le sigle de la Croix Rouge. L’on y venait en masse pour l’inauguration. Le moindre des cyclones emportait le dispensaire. Le moindre des médicaments se retrouvait sur les étals du marchand de beignet. La peste revint à Madagascar. Le choléra. Je ne vous parle même pas du Sida.

Insécurité dans les campagnes. Des voleurs de zébu. Des bandits des grands chemins. L’armée travaille dit-on pour enrayer ce phénomène mais que dire lorsque les zébus volés embarquent dans le plus grand port du pays. En toute tranquillité. En toute légalité. Direction La Réunion. Direction l’île Maurice. Les paysans quittent leurs terres, se terrent dans les villes, mendient. Mains tendues vers les innombrables 4x4 qui sillonnent la ville.

Madagascar occupa, occupe encore le cercle des Pays les Moins Avancés (PMA) du monde.

1989 : autres élections à Madagascar. L’amiral avait passé déjà deux septennats. Brigue un troisième. La première fois que je votais. Bureau de vote sous haute surveillance des militaires. Collège d’Ambohipo, centre de vote des étudiants de l’université. Ne fut ouvert qu’à 19 heures. Fermé à 21heures. Une queue monstre depuis le début de l’après-midi. Un cafouillage énorme. Nombreux ne parvinrent même pas à l’urne. Mes amis, pas en âge de voter, me confièrent la mission de voter pour un certain opposant. Ce que je fis. Décompte des voix. Nous chantions, chantions. A chaque bulletin sorti, brandi, exhibé.

« Une seule voix pour l’Amiral,

Ce n’est rien les gars,

Nous le rattraperons.

Deux seuls voix pour l’amiral,

Ce n’est rien les gars,

Nous le rattraperons

Trois seuls voix pour l’amiral,

Ce n’est rien les gars,

Nous le terrasserons

Quatre seuls voix pour l’amiral …

Et ainsi de suite. L’Amiral fit cette nuit-là 90% des votes. Ce n’est rien les gars. Ce n’est rien. Les étudiants auraient voté pour lui ? Comment les partisans du Président ont-ils fait pour tricher ? Comment ? Nous étions pourtant là. Assistant aux dépouillements. Des rafales retentirent tard dans la nuit alors que nous dansions encore sur les brasiers des bus incendiés. Bus d’état. Bus du dictateur.

Un ami pleura cette nuit-là devant un des militaires encerclant le collège : « j’ai vécu mon enfance sous le règne de ce type, je ne vais pas vivre encore pas mon adolescence et ma jeunesse sous sa dictature ! » Il avait treize ans. Il faisait la queue derrière moi quand on avait attendu des heures sous le soleil l’ouverture des bureaux de vote. Il accompagnait ma main quand j’ai mis mon bulletin dans l’urne, quand j’ai déchiré devant tous le rouge, rouge couleur de la révolution. Cet ami se suicida quelques mois plus tard. Un coup de couteau dans le ventre. De la drogue dans les veines. Treize ans. On n’est pas sérieux quand on a treize ans…

 

A vous Monsieur le Président –si vous méritez toutefois ce titre, cette lettre :

Je me rappelle de quelques années plus tôt : j’étais en service national. Je devais participer au défilé pour la fête de l’indépendance. Ce jour-là, le 26 juin 1986, je me disais, me suggérais qu’avec le mas36 que je tenais en main –vidé auparavant de ses cartouches, vérifié, contrôlé nombre de fois par le caporal, le sergent, le lieutenant-, j’allais vous embrocher avec ma baïonnette. J’étais au premier rang. Nous étions sur la piste de Mahamasina. Juste derrière l’emplacement où les rois et les reines faisaient leur grand Kabary. Vos gardes du corps étaient passés. Par vague. Innombrables. Ils fixaient chacun d’entre nous d’un air sans pitié. Vous n’étiez passé que de longues minutes après. De longues minutes interminables. Infinies. Vous passiez à vingt mètres. Protégé par un rang inaccessible de gardes du corps. Je pleurais ce jour-là. Tout à l’intérieur. Sans larme à couler. J’essayais de ne pas trembler. Car un seul mouvement, un seul frémissemnet m’aurait propulsé dans votre direction. La baïonnette tendue. La rage au cœur. Mais je savais que je n’aurai aucune chance. Jamais, je n’ai été aussi proche de la mort. Jamais.

Place du 13 mai. 1991. La foule, exténuée par des mois de grève générale, se dirige vers le Palais présidentiel –encore un délire de pouvoir, Palais-réplique de celui de la Reine, mais en marbre cette fois-ci, pas de ce tas de bois qui finalement a flambé au sommet d’Iarivo ; celui de l’Amiral trône toujours sur les collines d’Iavoloha –ou traduction « qui a la tête haute, orgueilleuse ». Iavoloha camouflé grossièrement en Mavoloha, « la tête jaune » ! Un hélicoptère attend la foule. Tire. Lâche des grenades. Une équipe de journalistes capte l’image, capture le son. Ordre fut donné de tirer sur la foule, sur « cette voiture noire » où devait se trouver l’homme providentiel qui sauverait Madagascar. L’image, le son passèrent un moment sur les antennes françaises. L’Amiral tomba, céda le pouvoir. Est-ce la détermination de la foule qui provoqua cette déchéance de l’homme fort du pays ou la force des images transmis dans nombre de pays qui le priva de ses appuis habituels ? Oppression trop flagrante. Dictature insoutenable. Au sens premier du terme.

L’Amiral à l’eau, l’homme au chapeau de paille accéda à la présidence. Image toujours. Image. Chapeau de paille ou authenticité ? Chapeau de paille ou fidélité à la terre rouge ? Sympathique personnage mais piètre homme d’Etat. Deux ans de désastre pour l’île. Chute vertigineuse vers plus de misère encore. Un ami me disait voici quelques jours : « Dans nos pays, lorsqu’on tombe dans le gouffre et que l’on touche le fond, on oublie de remonter, l’on creuse encore, l’on creuse… »

L’homme au chapeau de paille fut « empêché ». Autres élections. Démocratiques disait-on. Démocratiques. L’Amiral, avec l’aide de son grand ami Chirac, sortit de l’eau et reconquit le pouvoir. Il se dit maintenant humaniste écologique francophone. D’ex-révolutionnaire. D’ex-communiste. D’ex-socialiste. D’ex-non-aligné. D’ex-libéraliste. D’ex-fédéraliste. Discours simpliste et génial qui prend en compte les clichés construits autour de l’île. Madagascar sanctuaire de la nature. Madagascar paradis des naturalistes. Un peu d’écologie et le tour est joué. Comment ne pas soutenir un tel personnage qui défend l’intégrité écologique de cette île extraordinaire ? Ouverture apparente : Cousteau passe à Madagascar. Nicolas Hulot. Des articles dans nombre de revues : Géo, Grand Reporter. Des films animaliers sur l’île mystérieuse. Des reportages photographiques. Les éditeurs se régalent…

Mais sait-on que Madagascar n’a pas un seul Canadair ? Qu’il n’existe de caserne de pompiers que dans les grandes villes ? Et encore… Le feu dans les savanes, il faut attendre la pluie pour l’éteindre. Ou la fatigue des flammes. Ou l’efficacité des amulettes. Mieux encore l’hélicoptère du fils au chômage du président. Il passe au-dessus des nuages et les asperge de sel ! La pluie tombe ! Le feu se recroqueville devant la puissance de l’héritier !

Mais sait-on que les sauterelles sont revenus ? Car l’on a décrété que la lutte entre les acridiens et l’homme a été remporté haut la main par le dernier nommé. La maintenance des pompiers s’y référant n’a donc plus de raison d’être !

Sait-on qu’en tout pour tout, Madagascar –devrai-je le dire encore, sanctuaire de la nature, n’a qu’une vingtaine de garde- forestiers ? Alors, parlons de sites protégés. Pancarte de la WWB et basta, que vivent les maki-kata et les aye-ayes.

Mais le discours passe, passe si bien que l’Amiral se voit attribuer le « Grand Prix Européen Umberto Biancamano », assorti de la Haute Distinction honorifique « Pour la Paix Universelle ». Le professeur Alberto Pocchini, Président de la Fondation : « le Président Ratsiraka, Amiral, brillant homme politique, chantre de la Francophonie, mais également grand humaniste, son programme de créer une République démocratique, humaniste et écologique en réconciliant l’Homme avec l’Etat, et l’Homme avec la Nature a orienté notre choix […] Fantastique ! » Ses devanciers dans ce prix : Leopold Sedar Senghor, Mikhail Gorbatchev, Carlos Menem…

L’Amiral a simplement mis en parole la projection de l’Occident sur Madagascar. Terre d’humanité et d’écologie. Sept ans de règne encore. Il brigue maintenant un quatrième mandat. Que dis-je, un cinquième !.

Depuis le 27 janvier 2002, la grève générale paralyse l’île une fois encore. Bégaiement de l’Histoire. Nous revoilà partis comme en 91.

Après bien de polémiques et des recours en Justice a eu lieu la proclamation des résultats des élections présidentielles par la HCC (Haute Cour Constitutionnelle) : Marc Ravalomanana : 46%, Didier Ratsiraka : 40, 89%, le reste des candidats se partageant les autres points. Quelques semaines plus tôt, le maire d’Antananarivo caracolait en tête avec plus de 60%. Du jour au lendemain (sans jeu de mot), il perdit près de 15 points tandis que l’Amiral gagnait près de 10, ouvrant ainsi la voie au deuxième tour. Chapeau l’Amiral ! Casquette Monsieur le Maire !

Dire simplement que la HCC fut remaniée un mois avant les élections présidentielles et que ses membres ont prêté serment devant « l’autre[1] <mhtml:mid://00000044/> » déjà candidat.

Dire simplement que le siège de la même institution fut déplacé par « l’autre » à une cinquantaine de kilomètres de la capitale alors que la foule manifestait en masse sur la place du 13 mai. Nouveau siège : un Hôtel de luxe où on observa quelques banquets de plusieurs centaines de personnes. En l’honneur des sénateurs bien sûr ! Pour qu’ils effectuent sereinement leur noble tâche…

Je pourrai énumérer encore quelques hauts faits à faire pâlir les Guignols de Paris mais je me bornerai à quelques exemples : utilisation abusive des moyens de l’Etat par le Parti de « l’autre »; dans les campagnes, résultats des élections communiqués par téléphone ; impossibilité de se procurer des cartes d’électeurs…

Peut-on dire que la France fut dupe ? Je ne ferai pas l’injure d’y croire. La France fut aussi cynique que le Galonné sans flotte. Toutes les banques malgaches sont des filiales des banques françaises : Crédit Lyonnais, BNP-PARIBAS ou Société Générale. Zones franches en masse et délocalisations de nombreuses entreprises françaises.

La France peut-être, mais les Français dans tout cela ? « Les poissons dans le fleuve dit le proverbe, doivent se méfier quand le crocodile sort de l'eau et prétend les représenter sur la terre ferme ! »

Raharimanana, Noisy-le-Sec, le 28 janvier 2002

[1] J’en ai simplement assez de l’appeler Président.

 

Velo Richardson

Michèle Rakotoson

Les enjeux du choix de la France

Texte de Velo Richardson :

Le spectre de François de Mahy plane sur la profonde crise politique que vit actuellement Madagascar. François de Mahy, c’était ce Français réunionnais qui avait fait du lobbying tapageur et avait réussi à faire voter par le Parlement français le projet de loi d’annexion-colonisation de Madagascar en 1896.

Le nouveau François de Mahy s’appelle en l’occurrence Monsieur DeChâteauvieux, ce Réunionnais grand patron du groupe sucrerie de Bourbon.
Son groupe est entré à Madagascar par l’intermédiaire de la SDS (Société de Développement Sucrier) de connivence avec la SIRAMA du temps du Ministre de l’Industrie José Rakotomavo. Le groupe s’est ensuite diversifié avec la venue à Madagascar, entre autres, de Géant Score, de Cora, de Mer Austral et d’Air Corsaire. Le groupe en outre, est en train de s’étendre et de faire des acquisitions de terrain dans le sillage du projet marais MASAY à Ankorondrano.

L’ultime objectif pour ce grand groupe industriel agroalimentaire reste le vieux rêve de l’ancrage de Madagascar à La Réunion et à Mayotte pour affronter « ensemble », cette fois-ci, la mondialisation.

C’est toujours dévouer à Madagascar un rôle plutôt secondaire et subalterne. Et il semble que pour cela, le groupe de Monsieur DeChâteauvieux, bénéficierait de la bonne perception sinon de la bienveillance de l’Elysée et de la cellule africaine du Quai d’Orsay qui estiment toutes deux que le groupe a déjà fait, outre La Réunion, ses preuves au Vietnam et à Madagascar. Et qu’il est bon pour la France de s’y appuyer pour son rayonnement dans la région de l’Océan Indien et de l’Afrique Australe et de l’Est.

Voilà pour la géopolitique.

Néanmoins, cette « brillante » équipe de Monsieur DeChâteauvieux a eu le tort et le calcul erroné de miser et de s’appuyer sur un mauvais cheval, en l’occurrence l’attelage Lalatiana-Razanamasy, lors des élections municipales de 1999. Car ils ont trouvé, à leur grande surprise, Marc Ravalomanana sur leur chemin.

Marc Ravalomanana qui, suivant simplement en cela une aspiration profonde du peuple malgache, a prôné publiquement et solennellement que, même en ruines, il ne va pas donner l’Hôtel de Ville de la Capitale de Madagascar aux Réunionnais. Et il a été, en cela, massivement suivi et même plébiscité par les électeurs de la capitale.

Et maintenant, le maire candidat aux présidentielles récidive et place la barre encore plus haut, pas plus tard que lundi dernier 4 février, quand il déclara publiquement sur la Place du 13 Mai devant une foule monstre de sympathisants estimée à 1,3 million de personnes, qu’il ne va pas céder, une fois élu Président, la Compagnie nationale Air Madagascar aux étrangers, sous entendu à Air France. Mais qu’au contraire, il va tout faire pour l’améliorer et la renforcer pour rendre la fierté aux Malgaches.
Message reçu à 100% par les manifestants !

La position des Malgaches est ainsi limpide et sans ambiguïté : Oui au partenariat, Non à la recolonisation. La France doit donc cesser de jouer au chat et à la souris avec le peuple malgache. Elle doit clarifier son jeu et sa position. Son choix est très simple et très clair :

1- La Réunion ou Madagascar ? La France sacrifiera-t-elle les relations franco-malgaches promues à un brillant avenir avec Marc Ravalomanana au profit des intérêts particuliers du Groupe de Monsieur DeChâteauvieux ?

2- DeChâteauvieux ou le MEDEF (le patronat français) ?

Oui, le MEDEF qui, sous les bons offices de l’Ambassadeur de France, SEM de Laboulaye, s’est engagé avec Ravalomanana à investir massivement à Madagascar dans le cadre d’une coopération rénovée et d’un réel partenariat entre les 2 pays et entre les 2 économies.

3- Le cadre très étriqué d’un seul groupe des Sucreries de Bourbon ou bien tout le système financier de Madagascar dont la moitié sont des binationaux, sans compter les 40.000 Malgaches de France !

Les intérêts bien compris de la France lui recommanderaient sans ambages la seconde option. Ainsi, c’est par exemple dans l’intérêt de la France de profiter pleinement des facilités octroyées par l’Africa Bill (AGOA) à la Grande Île pour accompagner et renforcer le développement économique de Madagascar. Elle y trouvera sûrement et grandement son compte. Ainsi, les Français en général et le MEDEF en particulier, ont bien compris qu’ils ont intérêt à appuyer à fond la politique d’industrialisation initiée par Marc Ravalomanana au lieu de s’y opposer.

Seule une minorité de Français tenants de la recolonisation économique de Madagascar par La Réunion estiment vraiment à tort que l’entrée de Madagascar dans le concert incontournable de la mondialisation sous la direction et la présidence de Ravalomanana signifierait que Madagascar va immanquablement tomber dans le giron des Etats-Unis et de l’Allemagne. Ce qui est tout à fait faux. Ah ! quelle grossière erreur d’appréciation !

Néanmoins, si l’Elysée de Jacques Chirac, à l’ombre de la Dame Sudre, continue de mener une politique aveugle, irréaliste, dépassée et anachronique et préfère miser sur DeChâteauvieux au lieu d’ouvrir une nouvelle ère et une nouvelle perspective avec le MEDEF à Madagascar ; et si la France et l’Elysée continuent de jouer sur la pourriture avec Ratsiraka et ses acolytes au lieu de jouer sur la compétitivité et la compétence avec Ravalomanana et le peuple malgache, croyez-moi et soyez-en certains, que c’est pour la France la manière la plus sûre de perdre pied dans la grande Île au profit d’autres pays plus réalistes, plus intelligents et plus compétiteurs, qu’ils s’appellent l’Amérique, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, la Suède, la Norvège, la Hollande, le Japon, la Chine, l’Afrique du Sud, la Thaïlande ou Singapour.

Car d’un nouveau François de Mahy en ce 3ème millénaire, les Malgaches n’en veulent plus. Que cela soit très clair. A chacun d’en tirer sa conclusion dans l’intérêt bien compris de nos peuples et de nos pays respectifs.

VELO Richardson

Contact : SERAMILA Beza : syb.cpm@dts.mg <mailto:syb.cpm@dts.mg>

 

Texte de Michèle Rakotoson, journaliste - écrivain :

Chante ô pays bien-aimé

Un million cinq cent mille personnes dans la rue et pas une vitre brisée. La phrase a presque l’air d’un slogan, mais le regard ne peut s’habituer à voir cette masse compacte, une ville envahie par ce qui ressemble à une houle.

A la télé, tout manque, la chaleur, le bruit, la masse. « Je ne sais comment te raconter ça, me maile un ami, arrive d’abord une rumeur qui enfle, enfle, tu es submergé par ce bruit, tu es plongé dans ce bruit, dans cette chaleur et tu te retrouves dans tous ces visages, ces corps qui marchent tous dans la même direction, en parlant, en riant… » Le vertige, les sommets… J’essaie d’imaginer. De Paris, les perspectives sont réduites, l’univers reste à la dimension de mon regard, ce regard qui a été formé à la société de consommation individuelle. Ce doit être le même syndrome qui a vérolé l’analyse de certains journalistes présents sur place, certains qui ont parlé de « gourou » et autres joyeusetés. Face au plein sidéral, on meuble le vide qu’on peut.

En fait, il y a là une histoire collective qui avance, une présence au monde, très forte, d’un peuple extrêmement silencieux, d’un peuple extrêmement courageux, un peuple qui n’a jamais pu dire 150 ans de souffrance.

« Hiainga isika ry fanantenana » a écrit le poète Ny Avana Ramanantoanina, en 1913, lui l’étudiant en médecin, déporté pour avoir adhéré au mouvement des Vy, Vato, Sakelika, mouvement d’étudiants qui ont essayé de résister au laminoir que fut la colonisation.

« Hiainga isika ry fanantenana » a-t-il été répété dans tous les mouvements de résistance qui ont hanté l’histoire du peuple malgache. Les images restent dans la conscience collective. Les mouvements de Ramanenjana et leurs colonnes de possédés qui marchaient silencieusement vers la capitale, pour dire leur refus de l’envahissement brutal de l’Occident et leur peur de voir leur civilisation et eux-mêmes disparaître, les foules des Sadiavaha qui ont marché dans le sud à l’arrivée de la colonisation, les cohortes des menalamba, les marches de 1947, puis 1971, puis 1972, puis 1991, et maintenant 2002.

« Hiainga isika ry fanantenana - Nous cheminerons ensemble, espoir ».

Il y a trop de morts non enterrés à Madagascar, trop de viols, trop de meurtres, trop d’incendies, dont celui récent de leur Palais, de leur Rova, cet orgueil de tout l’Océan Indien, tous ces assassinats non revendiqués, et les ombres qui hantent…

La Grande Ile tourne au radeau de la méduse, il est temps de trouver un port et d’ancrer le bateau. Mais dans des eaux démocratiques. Et c’est ce qu’ils disent tous. Toutes provinces confondues, malgré ce qu’essaie de clamer les oiseaux de mauvaise foi.

« Hiara-mandia ny vohon’ny tany

Ka na mora na sarotra hifampitantana….

Nous marcherons ensemble sur la surface de la terre

Et nous nous tiendrons par la main, que cette route soit pénible ou qu’elle soit facile, … »

Et c’est ce qu’ils disent « au petit homme », Marc Ravalomanana, qu’ils ont choisi pour hérault. Pour eux, c’est « Milaloza », ce jeune homme de leurs mythes, qui n’a jamais eu peur de défier les puissances. Car il leur ressemble. Comme eux, il est fils de paysans, de ces paysans, les pieds inexorablement ancrés dans la latérite, cette latérite si dure, si âpre, qu’ils ont maîtrisé, pour en faire des rizières, le fils de cette terre si dure, avec ses rochers à fleur de surface, et des gouttes d’eau, dont il faut faire des ruisseaux, qui irrigueront chaque parcelle, dure pour l’agriculture, quand il faut suer pour planter du manioc, dure pour l’élevage quand il faut nourrir les zébus, pour la viande, pour le lait, dure comme la mer et sa tornade, dures comme les étendues désertifiées, où le regard se perd, à la recherche d’une mémoire niée. Le « roi du yaourt » a, à partir des bases paysannes, réussi à monter un complexe agro-alimentaire. National ! Et maintenant grâce à lui, même dans les campagnes, les enfants ont droit aux produits laitiers, mieux que ça, même les tireurs de pousse-pousse peuvent manger une tartine beurrée. On ne peut s’empêcher de penser à un certain Mendès-France et son verre de lait aux écoliers!!!! Certes ne soyons pas angéliques, nombre de produits n’y sont pas biologiques, il faudra bien lui poser la question un jour, mais le mythe est là, et aussi la fierté d’un peuple. Nombreux sont ceux qui comme lui, ont bénéficiés d’aides, lui a pu monter une industrie nationale. Lui le fils, issu d’une famille qui ne fait pas partie de la nomenklatura, sa réussite est celle de la malgachisation un symbole pour les exclus. Eux aussi réussiront s’ils le prennent pour exemple. C’est leur revanche contre les intellectuels, vrais ou faux, brillants et arrogants qui ont appliqué les préceptes du FMI et de la banque mondiale, sans tenir compte du local, qu’ils ne connaissent peut-être pas. Lui semble connaître. Il a su s’excuser de n’avoir pu éradiquer complètement le choléra. Il a rendu hommage à ses pères et mères en décidant d’annoncer sa candidature aux élections dans son village natal et dans ce mouvement-ci, trois fois de suite , il a évité l’affrontement en demandant à la foule de rentrer chez elle.. Certes ce ne sont que des gestes, mais les gestes comptent. Et ceux là rendent hommage à la terre ancestrale. Et tous l’ont compris, comment expliquer autrement la répression féroce perpétrée sur ses partisans, par le régime Ratsiraka dans les provinces, loin des projecteurs : Morts à Nosy Be, à Antseranana, couvre-feu à Majunga, répression à Sambava. On a beau jeu quand on tire sur une population désarmée de parler de guerre civile. Toute une population s’est levée, démontrant les mensonges des tenants des « politiques ethniques » Mais pour taire la vérité et une révolution nationale, rien ne vaut une répression armée… Et en avant les grenades…

Mais dans ce mouvement, Ravalomanana a su montrer qu’il sait « manaraka ny onjany », surfer sur le sommet de la vague, pour pouvoir aller plus loin, en évitant la violence. Et bravo pour la performance : un million de personnes dans la rue et pas un accident !!!

Certes Madagascar est une île, et les Malgaches savent bien que la limite de la mer est la mort, les Malgaches négocient le plus loin possible avant de passer à l’acte, mais le coup de chapeau à Ravalomanana et de ceux qui l’entourent, c’est d’avoir su conjuguer cet art de la négociation et du tissage du point de consensus. Car ils savent que quand les Malgaches passent à l’acte, gare aux dégâts. Alors, Ravalomanana et tous ceux qui sont avec lui en ce moment, négocient jusqu’à la limite extrême de la légalité et de ce que la dignité et l’intégrité peuvent accepter. On perd du temps, pour sauver des vies. Et l’observateur extérieur ne peut s’empêcher de penser à ces paysans qui « mampiady Karajia –palabrent », pour arriver à la « Vérité - Ny marina », c’est à dire le point de rencontre de toutes les opinions.

Et la foule les suit. Ils marchent six heures de suite, sous un soleil incendiaire, bénis par les églises qui ont accompagné le mouvement. A Madagascar, comme en Afrique du Sud, comme en Amérique Latine, les églises ont toujours accompagné les résistances, des églises qui ne promettent pas seulement le ciel, mais s’ancrent sur terre. Ce sont les églises qui sont à la base du travail citoyen de surveillance des élections, ce sont les églises qui travaillent dans nombre d’ONG de développement sur le terrain. Et le terrain est immense, une fois et demie la France, pas assez de routes. Ils colmatent, créent, balisent. Et ce n’est pas rien dans cette île immense, que la dérive guette. 37 pour cent aux élections, malgré toutes les fraudes, Monsieur Ratsiraka a vraiment dû se planter, même dans le fin fond des campagnes reculées. Bravo les églises, elles qui ont apporté les limites morales, les valeurs éthiques, les barrages contre la corruption et autre engeance et surtout une conscience citoyenne. Alors ne nous étonnons pas que les Malgaches prient, comme ils ont priés pendant le VVS, comme ils ont priés en 1947, comme ils prient depuis quelques années pour pouvoir tenir bon. Les hommes d’église les accompagnent, prennent la parole, comme le pasteur Ravelojaona, qui au début de ce siècle, dans un article qui fit date « Le Japon et les Japonais » a indiqué la marche à suivre : « Prendre tout ce qui se fait de bien à l’extérieur et rester profondément malgache. »

Le « phénomène Ravalomanana peut s’expliquer ainsi : il est le symbole de toute une civilisation malgache, une civilisation qui s’inscrit dans une modernité incroyable. Cette bagarre-ci se fait à coups d’avocats et d’hommes de loi, là où on attendait des machettes. L’organisation de la résistance se fait à coup de e-mail, et elle est internationale. Tous les symboles sont là ; l’arrivée des médiateurs internationaux, la presse internationale…

Tranquillement, ce peuple essaie d’imposer une alternance tranquille, sans effusion de sang, en respectant leur droit fondamental : le respect de leur vote, et la transparence des élections, premier pas incontournable pour les assises d’une vraie démocratie.

En face, il y a un refus obtus de cette demande. Les réponses apportées à cette demande sont consternantes : phrases incohérentes, commandos envoyés pour blesser et tuer… Mieux vaut ne plus s’étendre dessus. A un moment donné, il faut se détourner de la nausée. Le débat est autrement plus important : Il y a là un certain nombre de données à prendre en compte pour l’avenir. Les Malgaches sont en train d’indiquer le modèle de société et de dignité qu’ils désirent. Ravalomanana est un symbole, ils lui ont demandé d’être ce symbole là, il a accepté, semble jouer le jeu. Et ce mouvement ci est passionnant. Reste l’avenir à aborder, en mettant de côté les angoisses réelles et normales face à la folie de pouvoir de certains, dont je préfère ne plus citer le nom : Comment arriver à reconstruire Madagascar, comment tenir compte des désirs de ce peuple : s’ouvrir au monde, en préservant sa culture, quelle forme de société pour demain, dans ce contexte de globalité et de mondialisation, quelle éducation, quelle politique de santé… ? et surtout quelles conditions pour un débat démocratique ? Les prémisses semblent exister, des prémisses qu’on comprend plus facilement quand on pense ce mouvement ci en malgache, avec les références malgaches. Reste une question épineuse :

Comment éviter le pire que certains essaient de provoquer, et comment désarmer certains commandos !

Michèle Rakotoson - 10 février 2002

Pour Madagascar,

 

 

 

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